Gestion post-poulinage : la conduite du colostrum et le développement du poulain.

Le poulinage est un moment crucial pour l’éleveur. Mais, au-delà de ce jour important, prépare-t-on suffisamment le post-poulinage ? Quelle importance a le colostrum (première tétée) ou les premières heures, les premiers jours de vie sur le développement du poulain ? Je fais le point dans cet article !

Le colostrum est le premier lait de la jument. Il diffère du lait produit par la suite par sa richesse en nutriments, en cellules de l’immunité et en facteurs de croissance. Il joue un rôle primordial dans la protection immunitaire du jeune et le développement du poulain.

Quelle est l’importance du colostrum pour le développement du poulain ?

Passage de l’immunité

Le colostrum est très concentré en anticorps (immunoglobuline) (10 à 20 fois plus élevé que dans le sang maternel). Le colostrum est formé plusieurs semaines avant la mise-bas et se concentre en anticorps dès le début de sa production. Le poulinière produit de 1.5 à 2 L de colostrum disponible pendant 24 heures pour le poulain. Cependant, après le poulinage, la concentration en immunoglobuline dans le colostrum diminue de 5 à 6 g par heure. Cette concentration diminue plus ou moins lentement en fonction des races, par exemple, elle est plus lente chez les juments arabes (19h) par rapport aux pur-sang (9h).

Dès l’ingestion du colostrum, l’immunité du poulain augmente considérablement pour égaler approximativement celle de la mère. On dit que le transfert de l’immunité est passif car il se réalise par ingestion. Si la quantité de colostrum absorbé est limitée ou le colostrum est de basse qualité, la mise en place des anticorps chez le poulain sera retardée. L’absorption de certaines cellules de l’immunité est réduite après 1 ou 2 jours, par une certaine imperméabilité des parois intestinales. L’échec du transfert passif d’immunité est la cause la plus fréquente d’immunodéficience chez le cheval : il représente 55% des cas d’anomalies du système immunitaire. De plus, il favorise le développement de maladies infectieuses ou la mort du poulain nouveau-né. De manière générale, les taux de mortalité et de morbidité sont supérieurs chez les poulains présentant un défaut de transfert passif d’immunité.

Passage de la flore microbienne

La flore digestive du poulain s’implante grâce à plusieurs canaux : le liquide amniotique lors de la gestation, la lactation, la coprophagie et l’alimentation du poulain. Le poulain possède d’abord des bactéries pionnières qui digèrent plutôt les sucres comme le lactose contenu dans le lait. Ces bactéries par la suite favorisent l’implantation des bactéries fibrolytiques importante pour l’acquisition du statut d’herbivore du cheval. Dès le 3ème jour, les bactéries cellulolytiques (qui digèrent la paroi végétale des fourrages) sont détectées dans l’intestin du poulain. Des études ont montré que ces bactéries étaient détectées une semaine plus tard lorsque le colostrum était remplacé par un colostrum artificiel. L’implantation des bactéries intestinales se voyait perturber, et la concentration en bactéries cellulolytiques mettait dix semaines de plus pour atteindre celle du cheval adulte. Le colostrum paraît important dans la mise en place et le développement du système digestif du cheval, et dans sa future fonctionnalité.

Que faire pour optimiser le passage de l’immunité et de la flore microbienne ?

Favoriser et vérifier la bonne prise du colostrum dans les premières 12 heures de vie : si le poulain a des difficultés à téter ou est dans l’impossibilité de téter, traire la jument pour donner le colostrum au biberon est recommandé. Favoriser et vérifier la bonne qualité du colostrum : la qualité immunitaire du colostrum peut être augmentée par l’alimentation de la poulinière (supplémentation en vitamine E par exemple), et par sa prise le plus tôt possible après le poulinage. La vérification de la qualité peut se faire à l’aide d’un réfractomètre (Résultat >23% Brix = bon colostrum), afin de pouvoir agir et supplémenter le poulain si la qualité fait défaut. L’appréciation visuelle n'est en générale pas suffisante mais plus le colostrum est limpide et liquide et moins il a de chance d’être de bonne qualité.

Veiller à favoriser un système immunitaire et intestinal sain chez la jument, notamment par une alimentation riche en fibre soluble. Éviter tout changement brutal de l’environnement pouvant causer un stress important pour le système immunitaire et digestif. La jument durant la gestation prépare le poulain à l’environnement auquel il sera confronté, il faut donc s’assurer du maintien d’un environnement stable.

Fournir à la jument allaitante des aliments fermentés pourrait optimiser le développement bactérien des poulains.

Il faut donc préparer le post-poulinage dès la gestation en apportant une alimentation boostant le système immunitaire et le système digestif à la poulinière. Afin d’assurer une qualité de colostrum suffisante pour apporter les nutriments, les cellules immunitaires et les facteurs de croissance nécessaires au bon développement du poulain et pour favoriser la bonne mise en place du microbiote.

Source :
Lemirre T., 2016. Etude de la dégradation des immunoglobulines G dans le colostrum de jument au cours du stockage à long terme en enceinte cryogénique. Thèse vétérinaire Vetagro Sup.
Julliand V., De vaux A., Villard L., et Richard Y., 1996. Preliminary studies on the bacterial flora of faeces taken from foals, from birth to twelve weeks. Effect of the oral administration of a commercial colostrum replacer. Médecine équine, 209-212.

Suzie Bathellier
Chef de produit