Fertilité de la jument : Comment l’optimiser ?

La saison de reproduction approche à grand pas : mais comment bien la préparer ? Quels sont les facteurs à prendre en compte pour optimiser la fertilité de la jument ? Si vous vous posez ces questions, cet article est là pour y répondre …

La jument adulte présente une activité ovarienne cyclique saisonnière, c'est-à-dire une période d’activité et d’inactivité de l’appareil reproducteur. La période de cycle oestral se normalise de mars ou de la fin avril jusqu'en août. La période d’anœstrus, en règle générale dure de septembre à la fin mars, et correspond à l’inactivité de l’appareil reproducteur. Cette cyclicité permet à la jument de corréler les périodes de haut besoin énergétique aux périodes de disponibilités alimentaires favorables.

Le cycle œstral dure environ 21 jours et est caractérisé par des périodes d’œstrus (chaleurs) et de dioestrus (refus de l’étalon). L'œstrus dure habituellement 6 jours, mais varie de 4 à 10 jours selon la jument. Le diœstrus dure en moyenne 15 jours, mais varie entre 12 à 18 jours.

L'ovulation, soit la libération de l'œuf par l'ovaire, peut survenir en tout temps durant l’œstrus. Toutefois, elle survient habituellement entre 24 et 48 heures avant la fin de celui-ci. Idéalement, pour maximiser les chances de conception, la saillie doit survenir dans les 12 heures qui précèdent ou qui suivent l'ovulation. La monte ou l'insémination des juments, à compter des 2e ou 3e jours suivant le début de l'œstrus, puis tous les 2 jours pendant l'œstrus est un bon moyen d'obtenir un taux de conception satisfaisant.

Fertilité : les facteurs liés à la jument

L’âge

La majorité des juments deviennent fertiles à partir de l'âge de 2 ans, date à laquelle apparaissent leurs premières chaleurs, cependant il est recommandé d’attendre la fin de leur croissance pour débuter leur carrière de reproductrice. À compter de leur 15ème année, la fertilité des juments diminue régulièrement.

L’état de l’utérus

Les juments présentant des kystes utérins ont une fertilité inférieure liée uniquement à un taux de résorption embryonnaire (avorton absorbé par l’utérus et non expulsé) plus élevé. Cette anomalie est cependant fortement liée à l’âge de la jument ainsi qu’aux nombres de gestations menées.

L’état physiologique

Les juments suitées sont plus fertiles que les juments non suitées et maidens (ce dit des juments qui n’ont jamais été saillies). Cependant, juste après le poulinage, surtout lorsqu’il se produit en hiver, en début de lactation, un déficit énergétique important peut favoriser une entrée en inactivité ovarienne plus rapide.
La chaleur de lait peut avoir une moins bonne fertilité (environ 35 % contre 50 % pour une chaleur normale), dans certains cas, l’involution de l'endomètre (régression de la muqueuse de l’utérus) n’aurait pas été complète, et l’utérus ne serait pas totalement apte au développement d'un nouvel embryon.

Fertilité : les facteurs sociaux

Influence de la présence d’un mâle

L’absence totale de mâle comme c’est souvent le cas en élevage traditionnel n’entrave pas la reproduction normale de la jument mais sa présence semble favoriser la fertilité et la fécondité de la jument. C’est pourquoi la présence d’un entier jouant le rôle de souffleur pour la détection des chaleurs ou sur le lieu de l’insémination artificielle peut se révéler bénéfique.

Influence de l’allaitement du poulain

La lactation est extrêmement exigeante pour la jument et demande un suivi nutritionnel adapté. Une jument sous-alimentée donnera donc la priorité à l’alimentation de sa progéniture au détriment de la reprise de sa cyclicité.

Fertilité : les facteurs environnementaux

La photopériode

Il s’agit de la longueur relative du jour par rapport à la nuit, quantifiée par la durée de l’éclairement diurne. La lumière par l’intermédiaire de la rétine agit sur la glande pinéale, qui se situe dans le cerveau. Le mécanisme n’est pas connu à ce jour cependant la glande régule la sécrétion de la mélatonine, une hormone secrétée pendant la nuit ayant un effet inhibiteur sur l’activité ovarienne. Donc la cyclicité saisonnière annuelle est directement régulée par la photopériode.

Alimentation

La fonction de reproduction est en effet la première à pâtir d’un défaut de gestion alimentaire. L’œstrus redémarre en parallèle d’une augmentation des ressources alimentaires naturelles, en général la fertilité diminue avec une restriction énergétique ou protéique.

La perte de poids pendant la saison de monte serait un facteur défavorable à la reproduction des juments, la restriction alimentaire après la fécondation et l’implantation de l’embryon est un facteur de risque aggravant pour les pertes fœtales. L’alimentation sous forme de repas ponctuel aurait un effet néfaste sur la fertilité, les périodes de stress, correspondant au jeûne, interférant avec les hormones de la reproduction.

État corporel

Les juments non suitées devraient être entretenues avant la saison de reproduction (en automne et en hiver) afin de conserver une NEC entre 2 et 3, la maigreur comme l’embonpoint ont des conséquences aussi néfastes sur la fertilité.

En fin de gestation (durant les 3 derniers mois) la jument prend du poids avec la croissance du fœtus puis elle perd 10 à 14% de son poids vif à la mise bas (fœtus, enveloppes, liquides) et peut encore en perdre durant le 1er mois de lactation.

L’inactivité ovarienne est plus longue (retard de période d’œstrus au printemps) chez les juments ayant allaité l’été précédent, c’est-à-dire dont l’état corporel a été fortement déprimé par les dépenses énergétiques que demande la lactation. À l’inverse, la phase d’inactivité ovarienne se trouve écourtée (période d’oestrus avancée) si les juments prennent du poids en sortie d’hiver.

Température

L’arrivée des beaux jours et le réchauffement qui les accompagnent favorisent la sortie de la phase de transition, le rôle exact et le mode d’action précis de la température ambiante font toujours l’objet de suppositions et restent à étudier.

On suggère l’influence d’une température minimum (environ 9°C) au cours de la journée qui, une fois dépassée, favoriserait l’entrée en période ovulatoire.

Quelles sont les techniques pour favoriser l’activité ovarienne ?

Luminothérapie

La stimulation par un signal lumineux bleu de faible intensité de longueur d’onde est le système le plus efficace pour obtenir une avancée de la saison de reproduction. En diminuant la production de mélatonine, l’éclairement des écuries ou le port d’un masque lumineux active le système reproductif de la jument plus tôt.

D’après l’étude de Murphy et al (2013 Equine Veterinary Journal) 92.3% des juments porteuses du masque Equilume à partir du 1er décembre avaient une activité ovarienne selon examen vétérinaire et analyses hormonales au 10 février)

Le protocole de stimulation lumineuse le plus efficace pour obtenir une avancée de la saison de reproduction est obtenu par l’application de 14h30 de lumière et 9h30 d’obscurité.
- Moins de 13 heures et plus de 16 heures de lumière ne sont pas stimulantes
- Une seule heure d’éclairement artificiel peut suffire à condition qu’elle soit appliquée à un moment particulier : 9h30 après la tombée de la nuit.

Alimentation

Il faut favoriser au maximum une alimentation en continue avec très peu de périodes de jeûne ou de stress.

  • La priorité - Miser sur des protéines de qualité

    La luzerne, les tourteaux de soja, colza, tournesol sont des sources de protéines riches en acides aminés essentiels (thréonine, méthionine, isoleucine, leucine, lysine et arginine) elles stimulent la sécrétion de LH et de FSH permettant ainsi une sortie de la phase de transition plus précoce (entre deux semaines et un mois plus tôt) entraînant :

    - Un meilleur taux de conception (les juments supplémentées remplissent dès leur premier cycle contre une moyenne de 2,5 pour les autres)
    - Une diminution des chaleurs anormales.
    - Une diminution des pertes embryonnaires précoces (7,5 % de mortalités embryonnaires précoces chez les juments supplémentées contre 35,7 % pour les autres)

  • Ajouter - Faire varier l’apport énergétique et apporter des acides gras essentiels

    L’incorporation de matières grasses en substitution d’une partie des céréales peut-être bénéfique avec par exemple de l’huile de soja pour sa richesse en acides gras essentiels et chef de file des oméga 3, qui entraînerait une diminution du délai d’apparition des chaleurs de lait et une augmentation du taux de fécondation. Une supplémentation en fin d’hiver et jusqu’à la fécondation en acide gras Omega 3 (à hauteur de 0.5%) peut être bénéfique pour améliorer la fertilité de la jument (production d’ovules de meilleure qualité).

  • Veiller - Apport en vitamines, oligo-éléments et minéraux soutiens de la fertilité
  • Il faut veiller à ce que les vitamines et oligo-éléments soient apportés selon les besoins voir en léger excès notamment pour la vitamine A, D et E, le manganèse, le fer, le zinc, le cuivre, le sélénium et l’iode. Une carence en ces éléments ferait défaut à la fertilité (cycle anormaux), alors qu’un apport équilibré pourrait augmenter les chances de fécondation (renforcer l’expression des chaleurs, d’augmenter le taux de conception et de diminuer le taux de mortalité embryonnaire précoce).


Source :

- O. J. Ginther, E. L. Gastal, M. O. Gastal, M. A. Beg, 2004. Seasonal influence on equine follicle dynamics. Anim. Reprod., p.31-44.
- J.R. Kubiak, J.W.Evans, C.D Potter, P.G. Harms and W.L. Jenkins, 1989. Postpartum reproductive performance in the multiparous mare fed to obesity. Theriogenology,10p.
- V.P.A Druet, 2005. Influence des facteurs environnementaux sur la reproduction de la jument. Thèse vétérinaire ENVA, 64p.

Enora Le Delezir
Conseillère commerciale